Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

mardi 14 novembre 2017

Samarcande


Est-il une ville sur la route de la soie qui fasse autant rêver que Samarcande ? Étape mythique sur le chemin des caravanes, la ville de Tamerlan, celle pour laquelle au XIVème siècle, il fit construire les monuments les plus prestigieux de son empire et les fit décorer par les meilleurs artisans qu'il s'attachait au gré de ses conquêtes. Ancienne capitale de la Sogdiane, pays fondé par un peuple scythe il y a plus de 2000 ans, Samarcande a été intégrée à différents empires lors des conquêtes persanes, islamiques et turco-mongoles au cours du Moyen Âge.
Alexandre le Grand y passe, détruit abondamment la ville et y laisse un gouverneur ; elle sera alors successivement intégrée aux royaumes laissés par Alexandre (Seleucides en Perse, Bactriane, ...).
Sassanides perses, puis turcs règnent sur la région qui fut même un temps, au VIIème siècle, un protectorat chinois. Contrôlée par les Omeyades, les Abassides arabes, puis les Seldjoukides turcs, Samarcande se convertit à l'Islam qui en devient la religion dominante.

Aux XIIème et XIIIème siècles, les mongols entraînés par Gengis-Khan puis par son descendant Taraq, pillent la cité. Au XIVème siècle, elle deviendra enfin la capitale de Tamerlan et de son immense empire.

Empire de Tamerlan en 1505
En 1868, la ville passe sous domination russe, puis devient une des républiques de l'URSS en 1925.
Samarcande a toujours été une cité clé en Asie centrale, au confluent des grandes routes, non seulement du commerce mais aussi des cultures, entre la Chine, l'Inde, la Perse et Byzance ou Palmyre, portes du monde méditerranéen.

Nous sommes entrés dans cette antique cité, à pied, depuis la route de Boukhara où le bus pour Tachkent nous avait déposés. Une dizaine de kilomètres pour gagner le centre ville mais quel chemin ! Nous quittons l'effervescence de la gare de bus, ignorons les appels enjôleurs des chauffeurs de taxis et commençons par descendre une grande avenue. À notre droite, sur la colline, les restes de l'antique cité, Afrasiab, et les mausolées du Chah-in-Zinda, l'ancien cimetière. À notre gauche, l'observatoire d'Ulug Beg, petit-fils de Tamerlan.


Maquette de l'observatoire - musée de Tachkent
Quelques kilomètres plus tard, nous prenons une rue piétonne et passons entre la grande mosquée Bibi Khanoum et le mausolée de Bibi Khanoum.


Un coup d'œil à la statue de l'ex-président Karimov, et nous retombons sur une rue animée. C'est alors le passage devant le monument emblématique de Samarcande, le Registan, grand complexe de trois médersas organisées autour d'une immense esplanade.



Enfin, après une traversée acrobatique de l'avenue, nous nous glissons le long d'immeubles post soviétiques et gagnons des ruelles sinuant entre des maisons de briques ocre, montrant la splendeur de leurs cours entre les battants de lourdes portes de bois.

Nous venions enfin de trouver l'ancienne âme de Samarcande. En effet, notre parcours jusqu'à notre hôtel, s'il nous a fait passer devant les plus beaux monuments de la ville, nous a laissé une sensation de froideur. Nous nous sentions un peu en train de regarder un beau livre d'images sans défaut. Pas de personnes parasites venant gâcher la photo, de l'espace, du recul pour prendre un beau cliché. Pas de fatigue pour le touriste, un petit train est là pour le véhiculer silencieusement d'un monument à l'autre. Pas de ventes de souvenirs chaotiques le long des rues, mais plutôt des bâtiments rigidement alignés le long de la rue piétonne, sans grâce, sans vie et au contenu sans surprise.

Qu'est-il arrivé à ce musée à ciel ouvert ? On l'a simplement privé de ses habitants. Les vieux quartiers ont été détruits pour faire de l'espace. Ceux qui restent sont soigneusement cachés derrière de hauts murs qui par de maigres ouvertures permettent aux habitants de s'en échapper et aux touristes, fort heureusement, de découvrir ce qu'il reste de cette ville.



On ne prie plus à la mosquée Bibi Khanoum, on y rentre d'ailleurs en chaussures. On n'étudie plus dans les médersas du Registan. Le lieu est maintenant un super spot pour immortaliser son mariage.


Nous avions la chance de loger dans la vieille ville. La maison qui nous abritait avait 200 ans. Notre arrivée s'est faite au milieu d'une foule joyeuse fêtant un mariage, des enfants rieurs empêchant la voiture du marié de partir tant qu'il n'a pas payé une rançon, laquelle a du immédiatement être convertie en friandises par les petits kidnappeurs. Autre bonheur : des que nous franchissions le mur, nous nous trouvions devant le Gour Émir, le tombeau de Tamerlan.



Si Timur a été un peu drastique dans ses conquêtes (en gros, il massacrait la population locale, puis reconstruisait magistralement ; les spécialistes estiment entre 1 et 7 millions le nombre de ses victimes), il reste un grand stratège qui a conquis un immense empire. Ses descendants régneront sur la Perse durant la dynastie timouride et sur l'Inde qui sera conquise par Babur lequel installera les dynasties mogholes.



Le tombeau de Tamerlan reste un lieu de recueillement pour les ouzbeks. On y voit beaucoup d'enfants qui viennent avec leur classe découvrir un pan important de leur histoire.


Plus émouvant encore pour nous, des indiens viennent visiter ce monument. Nous sommes bien au cœur de notre voyage entre ces deux pays que nous aimons : la Perse et l'Inde.



Matthieu et Françoise