Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

mercredi 15 février 2017

Vers Téhéran : les derniers pas

Karaj, le 13 novembre 2016. Nous entrons dans l’immense agglomération de Téhéran. Nous allons atteindre le but prévu de ce premier mouvement sur le chemin d’Istanbul à Haridwar. Il était évident que cette fin de voyage devait se faire entièrement à pied. Nous ressentons une excitation certaine. Dans deux jours, si tout va bien, nous arriverons à Téhéran. Dans cette ville, la route de la Soie nous fait un dernier clin d’œil par la présence du dernier caravansérail que nous avons vu avant la fin de notre trajet.


Depuis notre départ, notre cahier de route, à la façon d’une crédentiale, a consciencieusement enregistré nos étapes quotidiennes (tampon d’hôtel, messages des amis de rencontres, etc.). À Karaj, nous eûmes la surprise d’y voir fleurir un poème de Roumi apposé par le réceptionniste lettré de notre hôtel (voir article "Au pays des poètes et des musiciens"). C’est donc le cœur plein de poésie, la tête pleine d’espoir et avec un regain d’énergie que nous entamons ces dernières journées de marche.
Ce sera notre dernier effort et il s’avérera un des plus difficiles.
En effet, dès la sortie de Karaj, ville qui est en fait le prolongement de Téhéran, nous sommes confrontés à la difficulté, pour un marcheur, de parcourir cette mégalopole. Les bordures de routes et les trottoirs se font souvent plus minces que la largeur de nos chaussures. Heureusement, les surprises de rencontres extraordinaires sont toujours au rendez vous. C’est ainsi que, juste à l’entrée d’un axe routier ponctué d’activités commerciales et artisanales, nous sommes invités par un marchand de journaux à prendre le thé. Ce fut pour nous un moment rare de pouvoir découvrir le visage ouvert et souriant d’un kiosquier athlétique, passionné de montagne, littérature et  poésie (voir article "Au pays des poètes et des musiciens") qui nous donnera le baume au cœur et une impulsion inattendue pour nous jeter dans cette ultime partie.


Première étape : aller au seul hôtel abordable, précédemment identifié, sur le chemin en direction du quartier de Sharak-Garb à Téhéran où réside la famille qui nous accueillera.
Tout au long de cette journée, nous nous enfonçons en bordure du piémont du massif de l’Elborz dans les nouveaux quartiers poussant comme des villes champignons.  En regardant vers la montagne, ce ne sont que des immeubles en constructions, de hauteurs impressionnantes, grimpant à l’assaut des cotes et qui nous apparaissent comme des « Meccano » géants aux couleurs multicolores installés dans des paysages désertiques. La traversée de ces quartiers se fait au milieu de casernes, prisons, entrepôts, dans un ensemble mité de terrains vagues accentuant encore plus l’aspect déshumanisé de cette banlieue.



Vingt-cinq kilomètres plus tard, nous arrivons à l’hôtel que nous avions identifié, lequel était bizarrement localisé dans l’enceinte d’un institut universitaire centré sur les produits pétrochimiques et les polymères. Mauvaise pioche, car pour la première fois lors de notre parcours en Iran, l’hôtel s’est avéré entièrement complet. Là nous prenons conscience que les hôtels bon marché à proximité de Téhéran sont rares et extrêmement convoités par les groupes de touristes.
Le responsable de l’établissement, appelé en renfort par la réceptionniste consciente de nos difficultés, était en fait professeur de langue allemande à l’Université.  La plupart des établissements à vocation touristique emploient du personnel enseignant très qualifié leur permettant ainsi de  compléter leurs revenus. Nous avons souvent constaté, en discutant avec des jeunes iraniens, qu’avoir deux emplois voire davantage est un phénomène très courant en Iran. Très gentiment Majid (c’est le nom de notre interlocuteur) nous proposera de nous raccompagner à une station de métro proche afin de nous permettre de retourner à notre point de départ, après s’être assuré que nous pourrons de nouveau séjourner à l’hôtel de Karaj que nous avions quitté le matin même. Cela fait partie de la gentillesse et de l’hospitalité que nous avons toujours rencontrées en Iran.
Le lendemain nous reprenons le métro en sens inverse pour retrouver l’étape où nous nous étions arrêtés la veille. En attendant le train, notre regard s’est fixé sur une de ces affiches « humoristico-éducatives » comme on en trouve assez fréquemment dans les lieux publics en Iran et qui est plutôt surprenante pour un occidental. Un jeune ingénieur civil, rencontré sur le quai, nous expliquera dans un anglais parfait le sens du message écrit en farsi qui engage chacun à avoir une bonne hygiène dentaire afin ne pas gêner son entourage. Ne pas déranger les autres y compris par le soin de sa personne : une bonne chose est à méditer…


La progression de notre marche vers Téhéran se fait de plus en plus stressante. Les flux croissants de véhicules rendent le parcours de plus en plus problématique, haletant, difficile, voire angoissant. Nous n’avons encore pas été autant confronté au danger permanent qu’offre un tel maillage routier composé uniquement de voies rapides, d’autoroutes, de bretelles d’accès, … permettant aux véhicules des vitesses impressionnantes rendant toute marche pratiquement suicidaire. Aucun moyen nous permettra d’échapper à ce tracé absurde, inhumain pensé uniquement pour les véhicules : pas de petites rues offrant d’accueillants commerces, pas de vie de quartier, pas de piéton. Un seul Dieu, la voiture, véritable boulet roulant, zigzagant entre les voies, …et quelques piétons, dont deux marcheurs français, affrontant ces flots d’acier. 

(Courtesy Wikipedia)
 Rejoindre notre quartier nécessitera de couper moultes voies d’accès au milieu de voitures lancées à toute allure, sans aucune pitié pour celui ou celle qui prend le risque de traverser ; eh oui, nous ne sommes pas les seuls à taquiner la providence. On a presque l’impression de se retrouver à la feria de Pampelune lors de la San Firmin. À la fin de notre journée, nous étions devenus maîtres de l’exercice : attendre parfois longuement et enfin trouver le moment pour traverser ; calculer et minimiser les risques avant de se lancer. Et c’est ainsi que nous gagnons progressivement le quartier de Sharak Gharb où nous sommes attendus par notre ami Iranien, qui a passé sa journée quelque peu inquiet pour notre sécurité.
Heureusement sur notre chemin nous avons su profiter des abords aménagés des voies autoroutières ; ce seront nos seuls havres de paix ce jour là. Ce sera aussi sur ces petites pelouses que se feront nos dernières pauses ; un brin de repos pour calmer nos nerfs et revigorer notre concentration, exploitation bienvenue des derniers trésors de vivres stockés dans nos sacs.


Pour noircir le tableau, il faut dire que depuis deux jours, nous sommes plongés dans cet air particulièrement vicié par une pollution qui, à Téhéran, atteindra, alors, son niveau maximum. Une alerte pollution, celle-ci ayant atteint un niveau environ sept fois supérieur au niveau acceptable, amènera les autorités à prendre des mesures administratives pour les plus fragiles concernant aussi bien les établissements de santé que les écoles lesquelles seront d’ailleurs fermées durant cette période. C’est la première fois que nous verrons l’usage massif de masque de protection par la population souhaitant se préserver. Le problème de la pollution ici n’est pas nouveau. Téhéran fait partie des métropoles les plus polluées du monde. La présence de la chaîne de l’Alborz induisant un phénomène d’inversion thermique, a pour effet de fixer le nuage de pollution sans qu’il puisse se disperser. Par ailleurs, la faiblesse des transports en commun oblige les habitants à utiliser soit leurs propres véhicules soit des taxis pour se déplacer. Le nombre de voitures souvent anciennes ne transportent, pour près de 60% d’entre elles, qu’un seul passager. L’utilisation d’un carburant de mauvaise qualité, conséquence principalement de l’embargo, qui ne permet pas de moderniser les raffineries, est un autre facteur aggravant. Le problème semble si intense qu’on dénombre selon les autorités une moyenne de 27 décès par jour (source wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Environmental_issues_in_Tehran).
L’urgence de ce phénomène est telle que, depuis 2010, il est envisagé un plan pour dégorger l’agglomération de Téhéran, qui est par ailleurs une zone de forts risques sismiques, de relocaliser la capitale soit à Shahroud, Ispahan ou Semnan. Pour ce faire, 163 entreprises d’état seraient alors transférées en province ainsi que le parlement, et plusieurs universités. /…

(Courtesy Wikipedia)
 Aucune alternative de route à ce chemin démentiel ne nous sera possible pour ces derniers pas dans ce maelstrom routier. Mais, comme des marins nous serons guidés par le point de mire de la tour Milad, dépassant de 100 mètres la tour Eiffel dit-on, qui agit comme un phare pour arriver à bon port. Nous sortirons à la fois éprouvés par cette dernière épreuve mais aussi profondément heureux. C’est ainsi que nous serons accueillis à bras ouverts par Pirouz qui a fait une partie du chemin à notre rencontre ; Pirouz a été notre ange gardien soufi d’Iran ; il nous a si bien piloté comme routeur, nous adressant à ses merveilleux amis au long de la route (Amir et Soheil à Tabriz, Kasra à Qazvin) et ce soir-là à 16h, nous pouvons le découvrir pour la première fois.
Notre arrivée à Téhéran comme fin de notre premier mouvement depuis Istanbul sera aussi pour nous comme un prélude pour de nouvelles aventures sur notre route pour Haridwar.

Matthieu et Françoise

Aux pays des poètes et des musiciens


Entrer en Iran, c’était, pour nous, pénétrer sur une terre de poètes et de musiciens. Les européens ont toujours été nourris d’un imaginaire sur la Perse. Au XVIIIème siècle, ce sont deux persans que choisit de faire parler Montesquieu pour poser un regard faussement naïf mais réellement critique sur la France, ses coutumes et sa gouvernance. Puis, au XIXème siècle, ce fut au tour des romantiques de puiser leur inspiration dans l’Orient et, plus particulièrement, chez les poètes de la Perse. Dans les Orientales, Victor Hugo cite en tête de ses poèmes des vers du Gulistan (Le Jardin des Roses) de Saadi (IX - La Captive, XXVI - Les Tronçons du Serpent) et d’un poème de Hafez (XXIX - Sultan Achmet). L’épopée de Rostam, héros perse du Livre des Rois de Ferdowsi, a été résumé par Lamartine. Chez nos voisins allemands, le Divan occidental-oriental (West-österlischer Divan) de Goethe est un recueil lyrique inspiré de la poésie de Hafez de Chiraz que Schubert, Schumann, Mendelssohn, Wolf, … ont mis en musique.
Plus prés de nous, Amin Maalouf, dans son roman Samarcande, nous compte l’histoire de Omar Khayyam et de son ouvrage majeur Les Rubáíyát (c’est-à-dire, les quatrains, forme poétique introduite en Perse par Khayyam).
Enfin qui n’a pas en tête les Mille et Une Nuits, recueil anonyme de contes persans et indiens écrit en langue arabe et qui met en scène Shéhérazade, fille du Grand Vizir et son époux Sharyar, roi de Perse.

Notre périple dans cette terre de poètes ne nous a pas déçus. La poésie est là, toujours présente chez les iraniens et elle ne semble pas réservée à une élite. Elle fait partie de leur vie. Les rues sont fréquemment baptisées de noms de poètes. À Tabriz, c’est un livre de Baudelaire qui attire notre regard à la vitrine d’une librairie. Dans plusieurs ville, livres de poésie et de littérature se vendent sur le trottoirs et nous sommes surpris d’y découvrir nos classiques.






À Karaj, nous avons été émus par une dédicace que le réceptionniste de notre hôtel a écrit en persan dans notre carnet ; après traduction par un ami iranien, cette dédicace s’est avérée être un extrait d’une oeuvre de Rumi.

 C’est toujours à Karaj, au début de notre fastidieuse marche vers la maison de nos amis de Téhéran, que nous avons été interpelés par un jeune homme qui tenait un kiosque de presse. Nous répondons favorablement à son invitation à boire un thé et découvrons que la porte intérieure de son kiosque est couverte de représentations de poètes persans répartis au milieu de celles d’écrivains et savants du monde entier. Nous sommes définitivement entrés dans un pays de poètes et de lettrés.



Lors de notre séjour à Chiraz, ville des poètes pour tous les iraniens, nous nous sommes rendus aux mausolées de Hafez et Saadi. Le culte que les iraniens vouent à leurs poètes est très émouvant. Si on reste distant de la tombe de Saadi, protégée par une enceinte, celle de Hafez est toute entière offerte à la vénération des iraniens. Certains la caressent ; d’autres s’y appuient de leurs deux mains ; beaucoup se récitent à voix basse un poème de Hafez, deux doigts posés sur le marbre. On se promène en famille dans les jardins aux allées ombragées, les enfants courent autour des bassins, des étudiants y sont venus en pèlerinage, ayant campé la nuit précédente sur les trottoirs à proximité.


Mausolée de Saadi - Chiraz

Mausolée de Saadi - Chiraz

Mausolée de Hafez - Chiraz
Mausolée de Hafez - Chiraz

Recueillement au mausolée de Hafez - Chiraz
Réciter un poème, deux doigts sur la tombe de Hafez - Chiraz
La langue persane est faite pour réciter de la poésie. Cette langue est déjà une musique ; quand un iranien nous parle, nous sommes enveloppés par des sons doux, murmurés - jamais criés - par une voix basse. Dans la rue, chacun nous parle avec une certaine élégance, l’accent est mis sur la dernière syllabe et, selon l’humeur, plus ou moins fort, plus ou moins long ; le discours est harmonieux. Et comment ne pas aimer cette langue qui, entre autres, nous a donné en France le mot « paradis » (dans son livre « Les inscriptions de la Perse Achéménide », Pierre Lecoq note que les souverains Perses et Mèdes se faisaient aménager des réserves d’animaux sauvages où ils pouvaient chasser ; ces parcs ont été appelés par les grecs paradeisos, à partir du persan pari - autour - et daiza - muraille -).

C’est à Qazvin que la musique iranienne est venue à nous, notre ami Kasra nous ayant organisé un concert privé chez un musicien du groupe Samâ Band. Le nom du groupe nous a fait immédiatement rêver. Samâ est le nom du concert spirituel parfois accompagné de danse sacrée que les derviches (les soufis) pratiquent comme un moyen d’élévation. En Iran, la musique, comme aussi la poésie, revêt souvent un caractère mystique. Depuis la révolution islamique, en réaction à la vague d’occidentalisation qui s’installait dans le pays, le gouvernement a soutenu une renaissance de la musique classique et traditionnelle iranienne. Néanmoins, le rôle des femmes a été réduit dans les orchestres ; elles ne peuvent plus chanter seules en public et sont cantonnées à la pratique d’un instrument et au chant au sein de choeurs mixtes (voir le film No Land’s Song de Ayat Najafi, sorti en 2016).
Nous sommes donc invités au concert. Kasra vient nous chercher à l’hôtel en fin d’après-midi. Nous allons dans une de ces banlieues, à nos yeux déshumanisées, alignement d’immeubles de béton grisâtre, autour d’un éthique centre commercial. Une entrée d’immeuble sombre, un ascenseur inopérant, des escaliers aux marches irrégulières. Nous passons la porte de nos hôtes et entrons dans un autre monde : murs blancs, décoration chaleureuse et, comme partout, un accueil souriant des membres du petit groupe. À peine assis, on dispose devant nous chocolats, grenades, oranges, biscuits. Le thé est servi. Kasra fait les présentations : d’un coté les deux marcheurs qui relient Istanbul à Téhéran, d’un autre coté, les musiciens et leurs instruments, chacun d’eux en pratiquant au moins deux, excepté pour le chanteur qui a sa voix pour seul instrument. Et le concert commence par trois morceaux. Nous sommes sous le charme de cette musique traditionnelle qui laisse à tous les musiciens une place égale. Le chef impulse le rythme et la modulation, les musiciens se répondent, la voix du chanteur lance ses mélopées, dans l’harmonie des instruments.


Et c’est la pause : gâteaux, fruits secs, … et une boisson rouge rubis ! L’Iran est un pays de vignes et, partout à la campagne, les paysans pressent leurs raisins. Cette a le bon gout de nous prouver que les plaisirs de la vie n’ont pas disparu en Iran et que, une fois de plus, ce pays bouleverse toutes idées préconçues que l’on pourrait avoir. C’est alors qu’un musicien nous sort un alcool, sorte de cognac local, pour réchauffer une ambiance déjà bien festive. L’effet s’en fait vite sentir dans le groupe. Chacun attrape un instrument, le maître au sétâr s’assoit au centre et la musique s’enflamme. Les târs et le oud soutiennent la mélodie, le tombak crée un roulement régulier tandis que le daf fait tintinnabuler en rythme ses anneaux métalliques (voir plus bas une présentation des instruments de musique). Les musiciens chantent en choeur. On est transporté par la mélodie, mains et pieds sont entrainés par le rythme. Et ça continue pendant une heure, chaque chant en entrainant un autre.

Cliquez sur ce lien, ... écoutez les ... fermez les yeux ... vous êtes en Perse ...

C’est tard dans la soirée que nous avons quitté nos hôtes, les mains pleines de cadeaux, DVD des concerts du groupe, tableau fait par la jeune et charmante maîtresse de maison, … et un billet de 200 Rials, en cours lors de la période du Shah Mohamed Reza et dont la valeur actuelle est un demi centime d’euros. Le lendemain, en nous promenant dans le magnifique caravansérail de Qazvin, dans la galerie présentant les oeuvres du sculpteur Reza Azi Mohammadi, la musique est évoquée dans un beau bas-relief.


Nous retrouverons cette atmosphère musicale à Ispahan où depuis deux ans s’est monté, sous l’impulsion d’une initiative de musiciens locaux, un charmant musée de la musique. Nous encourageons toute personne de passage dans cette ville magnifique à venir le visiter (adresse du site du musée de la musique). La visite nous fait découvrir les instruments de toutes régions de l’Iran et se conclut par un concert donné par des iraniens passionnés par cet art.


Une fois de plus, nous n’avons pu quitter ce musée qu’après avoir posé avec les musiciens (pérégrination et musique semblent décidément faits pour s’entendre), enregistré nos impressions sur l’Iran et et reçu un CD de musique iranienne en cadeau.
Découvrir cette musique, c’est aussi découvrir ses instruments. Le sétâr est un instrument à 4 cordes. Des représentations en sont déjà données dans des peintures du XVIème siècle (musée de Tabriz) . Lui ou un de ses ancêtres semblent avoir déjà été utilisé pendant les périodes élamites et achéménides ainsi qu’en attestent ces deux statues du musée national de Téhéran.




Le târ est lui un instrument à 6 cordes avec un corps en forme de double coeur. Les cordes  sont retenues par des petits liens qui sont fixés aux chevilles. Nous sommes plus familiers avec le oud, bien connu des amateurs de musiques des rives de la Méditerranée qui se retrouve dans le luth des musiques de la renaissance.

de gauche à droite : un tar, un sétâr, un daf, un oud (Qazvin)

Kamanche et ghaychak sont des instruments à cordes frottées à l’aide d’un archet. Dans le cas du Kamanche, l’archet est immobile, c’est le corps de l’instrument qui tourne pour produire les sons. Le ghaychak s’apparente à la viole de nos région.

un ghaychak, Qazvin

deux sétâr, un tar, un oud, un kamanche (Qazvin)

Dans les concerts auxquels nous avons assisté, tombak et daf donnaient le rythme. Le premier est un tambour qui se tient entre la cuisse gauche et l'aisselle, la face orientée vers l'avant, les doigts de la main gauche frappant le bord tandis que la main droite frappe alternativement le centre ou le bord de la peau. Le daf est formé d’une peau tendue sur un cadre sur lequel à l’arrière sont attachés des anneaux qui lui confèrent, lors de certaines frappes du musicien, un son de sonnailles.

un tar, un tombak (Ispahan)

deux dafs vus de dessous

Les premiers signes de la musique persane remontent aux élamites puis aux achéménides. C’était principalement une musique utilisée à la cour pour différents protocoles et à des fins d’accompagnement de rituels zoroastriens. L’époque Sassanide a vu l’explosion d’une musique de cour, pratiquée par des musiciens dont les noms sont parvenus jusqu’à nous. L’islamisation de la Perse s’est accompagnée d’une diffusion de la tradition musicale dans tous les pays arabes. Un des plus anciens ouvrages de théorie musicale iranienne connus à ce jour a été rédigé par Avicenne, philosophe, médecin, théoricien de la musique, mathématicien persan de langue arabe, au XIème siècle. Selon lui, la musique serait, tout d’abord, une discipline mathématique traitant des airs et des distances temporelles, notions qu’il est indispensable de maîtriser afin de pouvoir composer des pièces de musique.

Cette musique a été largement source d’inspiration dans d’autres pays : Arménie, Turquie, Égypte puis tout le bassin méditerranéen et vers l’Orient, elle a diffusé en Afghanistan, en Asie Centrale jusqu’en Chine. Lorsqu’on l’écoute, on ne peut oublier les liens culturels forts entre l’Iran et le sous continent indien. On parlait persan à la cour du sultan de Delhi ainsi qu’à celle des rois Moghols, lesquels étaient, comme les rois Timourides en Iran, descendants de Tamerlan. La musique persane nous rappelle la musique Hindoustanie pratiquée dans le nord de l’Inde et du Pakistan.

Pour terminer, si vous désirez entrer dans la magie de la musique persane, cliquez sur ce lien et écoutez le concert donné par Hosein Alizadeh et Majid Khlaj au 7ème Konya Mystic Music Festival en septembre 2010.

Françoise et Matthieu