Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

lundi 4 décembre 2017

Des champs de coton au marché aux oiseaux

Le coton. Pour tous, ce mot évoque la douceur, la légèreté, le blanc. Certes le fruit du cotonnier éclate à maturité pour laisser sortir une boule duveteuse qui encapsule les graines.


La culture du coton date de près de 5000 ans. Outre l'utilisation du duvet de ses fruits, on extrait de l'huile, riche en protéines, de ses graines. Un iranien, rencontré à Gorgan en Iran, nous a même confié avoir fait fortune en vendant les graines de coton à une entreprise allemande fabriquant du papier pour imprimantes. Les champs de coton, nous les avions traversés dans l'est du Turkménistan en arrivant à la frontière ouzbek. Paysage plat où le vélo est un moyen de déplacement et de transport couramment utilisé.




Mais c'est surtout à partir de Boukhara que nous avons été confrontés à la réalité de la monoculture du coton en Ouzbékistan. Le coton pousse naturellement dans les zones tropicales. Cette culture demande une alternance de saison sèche et de saison humide. Ce qui pourrait exclure a priori l'Asie centrale. Néanmoins, la culture du coton a toujours été présente dans la région, due certainement à l'abondance d'eau sur les rives de l'Amou Daria et du Syr Daria. Elle s'est d'ailleurs considérablement développée pour pallier la chute de production américaine au moment de la guerre de Sécession dans les années 1860 puis fortement renforcée sous le régime soviétique.
En 2014, un petit pays comme l'Ouzbekistan était le 6ème producteur de coton brut au monde derrière la Chine, l'Inde, les États-Unis, le Pakistan et le Brésil tandis que le Turkménistan, vaste pays désertique se classait au 11ème rang.


La culture du coton consomme pratiquement un quart des pesticides dangereux produits au niveau mondial. De plus, en Asie centrale, pour recréer les conditions climatique propice, elle a conduit å l'une des plus grande catastrophe écologique du vingtième siècle en assèchant la mer d'Aral. Construction de canaux pour irriguer ces grands espaces et détournement de l'eau des rivières font que celles-ci n'alimentent plus la mer.

Source : US Geological Survey and NASA
Enfin, la cueillette du coton est très peu mécanisée dans les pays d'Asie centrale et nous n'avons vu aucune machine dans les champs.


La saison de la récolte nécessite donc beaucoup de bras. En conséquence, la culture du coton met en lumière l'exploitation de ce que l'on a nommé les forçats du travail "volontaire". Tous les ans, à l’époque des récoltes, le gouvernement ouzbek mobilise plus d’un million de résidents locaux pour la cueillette du coton en recourant au travail forcé systématique sous-payé. Cette pratique ressemble à s'y méprendre au servage de l'époque tsariste ou encore au travail dans les kolkhoses faisant suite à l'épuration des koulaks lors de l'époque soviétique. On peut lire dans un rapport de 2015 du Forum germano-ouzbek que, pour la récolte de 2014, les autorités ont mobilisé plus d’agents de la fonction publique que les années précédentes. Cette mobilisation avait pour objet de compenser la diminution de main d'oeuvre due â la condamnation par la communauté internationale de l'emploi d'enfants. Condamnation mais, semble-t-il, non éradication car nous avons vu de nombreux jeunes probablement scolarisés travailler à la cueillette du coton.
En 2015, le gouvernement ouzbek envisageait un profit de l'ordre du milliard de dollars US de la vente du coton pour l'exercice annuel. Notons au passage que cette somme ne figurera pas au budget des Finances, où seuls les "hauts" responsables ont accès.


C'est ainsi qu'après de longues journées dans des paysages monotones, nous avons gagné la capitale de l'Ouzbékistan. Tashkent est une grande ville quadrillée d'immenses avenues vides de piétons enserrant parfois d'anciens petits quartiers populaires où on retrouve vie et animation. Peu intéressés par l'alignement de grandes artères du plus parfait style de l'urbanisme Soviétique, nous nous sommes plutôt rendus au marché aux oiseaux qui a lieu tous les dimanches près du grand bazar. Ici, enfants et grands viennent vendre et acheter des oiseaux colorés. Petit îlot de poésie dans cette ville froide.





Matthieu et Françoise