Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

lundi 31 octobre 2016

Premières rencontres en Iran (Article 32)

S'il est un pays où hospitalité et accueil sont ancrés dans le cœur de ses habitants, c'est bien l'Iran. Tout iranien muni de quelques mots d'anglais va nous proposer spontanément ses services. Welcome, Can I help you sont des formules maintes fois repétées par les personnes qui nous doublent en voiture, nous croisent dans les rues, dans les bazars.

À Jolfa,  ville où nous passons la première nuit dans ce pays, c'est Jamil qui nous aide à commander au restaurant, puis, qui, nous retrouvant errant dans la ville à la recherche d'un internet-café, nous invite dans sa boutique et nous ouvre une connexion internet à l'aide de son telephone. Nous le retrouverons deux jours plus tard en quittant Marand alors que lui rentrait de Tabriz. Promesse est faite d'aller le voir dans sa boutique de Teheran.

Le premier jour de marche en Iran, au bout de 20 km après Jolfa, nous faisons notre première rencontre avec la police iranienne. Deux jeunes policiers qui traquaient les chauffards avec un radar nous font signe de nous arrêter.

Nous obéissons à l'autorité convaincus que nous n'étions certes pas en excès de vitesse. Alors pourquoi ? Était-il interdit de marcher le long de la route ? Avions-nous commis quelque délit mineur ? L'inquiétude nous gagne. La discussion commence : - "Vous êtes fatigués ! - Non, pourquoi, - Quel âge avez-vous ? - ... - Asseyez-vous et reposez-vous, - D'accord, - Vous voulez du thé ?, - Oui, volontiers, ...". Et le temps passe ; nous assis sur notre caillou et eux délivrant leurs PV avec ardeur ! Un chef survient, spécialiste des touristes (et de leurs folles lubies, sans doute). Il regarde nos passeports, commence à donner des coups de fil tous azimuts. L'inquiétude continue à monter. Nous sommes bloqués sur ce bord de route depuis une heure et demie. C'est alors que notre expert es touristes nous fait un bon sourire, nous dit "no problem", arrête une voiture et charge son conducteur de nous conduire sains et saufs à Marand (que nous avions prévu d'atteindre le jour suivant !) ; et nous voici, livrés tel un précieux colis, chez dans une pharmacie de Marand ... Nous admirons les photos du dernier voyage du pharmacien au cercle polaire, discutons livres de montagne avec lui (il a rencontré Reinold Messner !) ...

Le lendemain, c'est au tour d'un médecin, Ardeshir, de nous arrêter sur la route à une trentaine de kilomètres de Tabriz, pour nous inviter à passer la soirée et la nuit à Marand. Fabuleuse famille. Nous sommes accueillis comme des rois, nourris comme des princes.


Apres nous avoir aidés à acquérir telephone et carte SIM, notre hôte nous emmène chez son oncle dentiste. Situé au deuxième niveau d'un local commercial, le cabinet est largement ouvert ; quelques personnes attendent sagement leur tour en évitant délicatement de porter le regard sur le patient allongé les dents entre les mains expertes de l'oncle dont la réputation dépasse, paraît-il, les frontières de la région. Son fils, dentiste également, sort discrètement pour revenir bientôt les bras chargés de friandises, gâteaux sucrés, et autres limonades ... Que voici un étrange rituel pour qui s'est donné pour mission de sauver les dents de ses semblables ! Sous l'œil de sa femme, le patient, bouche ouverte, esquisse quelques sourires entravés à notre intention. Peut-être nous enviait-il de croquer à pleines dents ces nourritures chargées de sucre, de miel, de tout ce qui semble interdit à une saine dentition. Bref, d'un côté, des touristes baignant dans le sucre et dans la salle d'attente des visages offrant des sourires douloureux en attendant une délivrance par l'artiste bucco-dentaire.



Apres une soirée délicieuse et une nuit confortable, au matin, c'est avec notre sac plein de friandises que nous repartirons sur la route pour Tabriz.

Une autre fois, ce sont des poignées de noix, de l'eau et des chocolats donnés par un restaurateur, un repas offert dans un restaurant, le thé que nous n'arrivons pas à payer dans un bar, des gâteaux donnés par le client d'une pâtisserie, ... Et ceci, toujours discrètement et avec le sourire.

Parmi ces offrandes, les plus saugrenues sont venues de jeunes cultivateurs qui nous ont donné des carottes fraîchement arrachees. Nous avons lâchement décliné les quelques kilos de pommes de terre qu'ils venaient de récolter.

Et tout le long de notre marche, nous serons l'objet d'attentions parfois émouvantes. Comme ce jeune homme qui s'étant acheté trois bananes, nous en a offert deux. Ou cette famille simple qui nous a attendus sur un parking pour nous donner deux bols d'une délicieuse soupe aux légumes bien chaude.



Matthieu et Françoise

Arménie - Iran : le passage de la frontière(Article 31)

Le 22 octobre, nous quittons Meghri pour l'Iran. Pendant quelques kilomètres, nous suivons la rivière Meghri entre des vergers de kakis, grenades et les vignes.



Au confluent avec l'Arax, nous nous dirigeons vers l'ouest pour suivre cette rivière, qui marque la frontière entre l'Iran et l'Arménie. C'est alors des kilomètres dans une zone plutôt désolante. À notre droite, les restes d'une ligne de chemin de fer qui reliait Arménie et Azerbaïdjan. À notre gauche, une double rangée de clôtures électrifiées, ponctuée par des miradors. Le temps est gris, le paysage terne.





Aucune indication. Un portail ouvert sur une grande cour, un gardien qui confirme qu'il s'agit bien du poste frontière arménien. Nous entrons et pénétrons dans un grand hall qui fait office de bar. Dernier thé arménien, et après des formalités de douane et de police rapides, nous nous retrouvons dans le no man's land, avançons jusqu'au pont dont la rambarde prend les couleurs de l'Iran au milieu de la rivière. Françoise met son foulard. Matthieu reste tête nue.
Et c'est le premier sourire iranien, un welcome gentiment lancé au premier contrôle, quelques mots de français par un fonctionnaire iranien, et un épluchage "soigneux" de nos passeports par un policier "consciencieux"  :
- quel est votre métier ?
- je suis retraitée / retraité
- mais avant ?,
- professeur de mathématiques (on nous avait dit que le mot computer science pouvait avoir des effets négatifs ...)
- combien de temps ?
- longtemps
- lieu de naissance ?
- Vulbens / Voiron
- combien d'habitants ?
- 1000 / 30000
- près de quelle grande ville ?
- Lyon / Lyon
- nom du père ?
- etc.
Une heure plus tard, le tampon s'abat sur nos passeports et nous passons. Aucun contrôle de douane. Nous changeons à la volée nos derniers DRAMs et sortons.

Nous sommes en Iran !

Matthieu et Françoise