Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

dimanche 2 octobre 2016

Les arméniens du Javakheti, Géorgie

Sur les 250 000 arméniens citoyens de Géorgie, plus de 110 000 habitent la région du Javakheti, terre des hauts plateaux à la croisée des frontières avec la Turquie et l'Arménie. Ici, nous sommes autour de 1900 m d'altitude. La région, l'une des plus reculée de Géorgie, où la nature est particulièrement inhospitalière, est soumise à des hivers très rigoureux où les températures peuvent descendre jusqu'à -40 degré.


Nous sommes arrivés dans le Javakheti à la fin septembre et avons été saisis par le froid qui glaçait déjà la région. Deux petites villes, Alkhalkalaki et Ninosminda, et quelques villages répartis dans la steppe. Ici, presque tout est écrit en russe et arménien, plus rarement en géorgien. Le géorgien, bien qu'enseigné à l'école, est peu parlé.


Alkhalkalaki, ville la plus importante de la région, a accueilli une base russe jusqu'en 2007 ; cette base a été particulièrement active durant la guerre froide en raison de sa proximité avec la Turquie et les bases de l'OTAN qui y étaient implantées. La fermeture de la base et le départ des russes  a profondément modifié cette région qui était économiquement très dépendante des quelque 15 000 soldats qui y résidaient. Zone interdite durant la période soviétique, le Javakheti, à l'écart des axes routiers importants nous a semblé assoupi. La plupart des magasins sont fermés. Les rues sont pratiquement désertes. L'une des traces du séjour des russes est la présence de bars, boîtes de nuit, salles de jeux.


Nous avons été heureusement très bien accueillis dans l'un des hôtels du centre où le patron nous a offert pain et confiture en guise de souper improvisé.
Au centre de la ville, la communauté est resserrée autour de son église arménienne et de ses activités et commerces traditionnels. C'est dans les environs que se trouve le berceau de la famille de Charles Aznavour lequel nous souriait timidement depuis son portrait peint sur un mur.






Ce qui surprend aussi ici, est le nombre de stations services ; on en a dénombré une quinzaine pour une ville de moins de 10 000 habitants. Beaucoup de stations n'ont pas de nom et écoulent semble-t-il de l'essence de contrebande ; de nombreuses maisons ont des cuves qui paraissent disproportionnées par rapport à leurs besoins. D'où vient cette essence ? Des restes de coulage de l'ancienne base russe, de l'Azerbaidjan, ... ? Les stations sont souvent d'un autre monde et d'une période révolue.



Les nombreux logements laissés par les russes ont certes permis de pourvoir aux besoins de la population. Il n'en reste pas moins vrai que la vie est difficile ici ; les températures hivernales nécessitent, pour le chauffage d'une famille, un budget estimé à environ 1000 $ par an. Or de nombreux habitants vivent avec un revenu mensuel entre 100 et 200 $. Aussi l'on dit que les politiques se sont emparés du problème de l'approvisionnement en énergie pour les familles. Nous avons pu constater qu'en cette période électorale, de nombreuses ambitions se font jour. On ne parle pas de mafia, mais plutôt de relations claniques pour réguler cette économie souterraine très certainement lucrative.


Les autorités de Tbilissi, prudentes de ne pas ouvrir de sécession comme dans la région de l'Ossetie du Sud, préfèrent fermer les yeux compte tenu des difficultés liées à la fermeture de la base.
On semble dire également que le départ des russes n'ait pas laissé que des vieux véhicules de l'armée mais également des stocks d'armes légères qui seraient cachées.
Le financement se fait souvent par troc : essence, cigarettes, viande, pommes de terre, ... contre d'autres produits divers, y compris des sucreries. L'ensemble de ces opérations sont surtout traitées avec l'Arménie distante de quelques dizaines de kilomètres.
Personnellement, nous avons été saisis par l'importance des rayons de bonbons dans les épiceries, des jouets, des cosmétiques, etc. dans d'aussi petites villes.



Nous retiendrons surtout la beauté des paysages et l'harmonie qui règne sur ces steppes.








Matthieu et Françoise

Cet aticle relate nos impressions lorsaue nous sommes arrivés dans cette région ; les informations chiffrées sont tirées d'un article de Indra Overland,


Chez Vania

Pour passer la nuit à Vardzia, certains préfèrent loger dans un hôtel près du site dans la cohue des bus et voitures de touristes russes et géorgiens. Nous avons plutôt opté pour une chambre dans la ferme de Vania à 3 km de la foule. 1800 m d'altitude, dans une verdoyante vallée, au milieu des champs et dans un air d'une pureté extraordinaire.
Vania, le chef de famille vit ici avec Tamari, sa femme et ses fils Zaza, dont les quelques mots d'anglais nous ont permis de conclure la négociation (chambre, souper, petit déjeuner, transfert à la ville d'où nous reprendrons notre marche), et Giorgy qui nous a conduit le lendemain matin à Alkhalkalaki.


Vania a construit un petit bâtiment avec deux chambres et une salle de bain. C'est très simple, les meubles sont rustiques et solides, l'horloge au mur indique une heure passée, la salle de bain est glaciale mais l'eau y est chaude.
Lui et sa famille continuent d'habiter la vieille maison patinée par les ans. Pas d'eau courante, la rudimentaire fontaine est au milieu de la cour. Une tonnelle chargée de raisins ombre l'entrée de la cuisine. Des roses ponctuent le jardin de rouge. Un chien traîne au soleil.





C'est d'ailleurs dans la cuisine que nous avons choisi de prendre nos repas ayant décliné l'offre de nous adonner à des agapes pittoresques sur la terrasse par une température frôlant le 0 degré.
Tamari nous avait préparé un copieux repas avec les produits de la ferme : soupe de poulet, salade, fromage, miel et au petit déjeuner, une somptueuse omelette le tout cuisiné sur une version géorgienne du "Butagaz". Le vieux fourneau n'est pas encore en service car, pour cette vaillante famille, il ne fait sans doute pas assez froid pour chauffer la maison !




Un jardin potager, un verger aux pommiers croulant sous les fruits, des ruches. De l'autre côté du chemin, une étable. Le fromage se prépare sous un auvent. Les conserves de fruits et de légumes sont stockées pour l'hiver. La ferme vit quasiment en autarcie. Le surplus (miel, fromages, pommes, citrouilles) est vendu sur les marchés des villages par Zaza.







Ici, l'argent ne se garde pas à la banque mais se transforme en or pour donner aux membres de la famille un sourire éclatant.



Le lendemain, après une bonne nuit passée au pays des aigles, le ventre bien plein, nous avons quitté nos charmants hôtes pour la suite de nos aventures.


Matthieu et Françoise

Poussières d'histoire en Géorgie

Il n'est pas dans nos intentions de vous raconter l'histoire de la Géorgie. Nous en serions bien incapables. Mais nous ne résistons pas au plaisir de vous faire partager les miettes du passé géorgien telles qu'un marcheur les ressent le long de la route.
Ce qui nous saute aux yeux, en arrivant de Turquie, ce sont les restes de l'époque soviétique. Toute bourgade de moyenne importance aligne des rangées d'immeubles gris, au béton qui s'effrite, aux écoulements d'eau percés, aux fenêtres cassées. Construits pour loger la classe laborieuse, ils hébergent maintenant une population aux emplois précaires, les quelques entreprises locales ayant été démantelées lorsque le bloc soviétique s'est fissuré.
Plus positif, les voitures, camions et bus russes continuent à sillonner les routes pour le plus grand bonheur de leurs propriétaires. Leur style désuet, leurs couleurs qui vont d'un strict kaki à un bleu tendre en passant par toute la gamme des jaunes et bruns, la rouille à divers étapes d'avancement qui ponctue la carrosserie, les pare-brises éclatés, leurs moteurs tonitruants et la délicieuse odeur d'huile et de pétrole qu'ils diffusent généreusement nous ont accompagnés dans toute la traversée du pays. Ces véhicules sont d'une solidité admirable. Il faut certes un certain doigté pour les maîtriser mais même sur les pires chemins de montagne, ils roulent et accomplissent leur devoir sans faiblir.










Le symbole de la "faucille et du marteau" se voit encore sur certains bâtiments. Quelques tags sur les murs montrent encore une forme de nostalgie.




Le boulier, vieil outil des pratiques comptables de l'URSS traîne encore dans certains magasins.


À la sortie d'un village, nous passons devant la tombe d'un héros local engagé dans l'armée soviétique et tombé au combat lors de la dernière guerre mondiale. Il est généreusement enterré ici avec son tank T34, tout droit issu de la grande bataille de Koursk. Presque tous les villages ont payé leur tribut lors de la dernière guerre mondiale. Souvenirs des combattants géorgiens héros de l'armée soviétique.




L'indépendance de la Géorgie, si elle a redonné le pays aux géorgiens s'est hélas accompagnée de situations difficiles. C'est, par exemple, l'ancienne professeur de français qui se retrouve à vendre des pâtés dans les rues de Tbilissi. Encore a-t-elle encore un métier. On croise beaucoup de vieilles personnes, sur les trottoirs de la capitale, qui sont obligées de mendier ou qui se sont trouvées de pauvres moyens de gagner quelques laris avec une vielle balance, trois ou quatre roses récupérées sur un étal, ...

Autre trace du passé, les mosquées dont le mince minaret dépasse des villages de montagne sont la pour nous rappeler que la région a été sous la coupe de l'empire ottoman. Une magnifique mosquée ancienne est encore en service à Tbilissi.



Enfin, lors d'une incursion à Vardzia, village perdu au fond d'une vallée magnifique, nous avons été émus par tous les géorgiens, principalement des jeunes, qui viennent se ré-approprier leur histoire. À Vardzia, on peut voir creusé dans la falaise, une centaine de grottes constituant un immense ensemble monastique, créé au XIIème siècle. Ce site est également lié à Tamari, la plus grande reine de Géorgie qui, enfant, s'était, selon la légende, cachée dans les grottes et qui, à l'accession au trône à développé le site. Il s'agit donc d'une endroit chargé d'histoire pour tous les géorgiens.






Matthieu et Françoise