Des rives de la Méditerranée à l'Orient, de la Turquie aux sources du Gange, en suivant d'anciennes routes commerciales, parcourues par les caravanes depuis plusieurs millénaires, c'est, autant que possible, à pied que Matthieu et Françoise dérouleront un long chemin. En 2016, le premier mouvement de cette aventure les a conduits d'Istanbul à Téhéran en traversant l'Anatolie, les rivages de la Mer Noire, la Géorgie et l'Arménie. Fin août 2017, repartant de Téhéran, ils gagnent la Mer Caspienne ; puis après un transit rapide du Turkménistan, ils rejoignent l'Ouzbekistan, Boukhara, Samarkand, traversent la Ferghana puis atteignent fin novembre 2017 Bishkek, la capitale kirghize. Début septembre 2018, ils quitteront Och au Kirghizstan pour Irkeshtam d'où ils pénétreront en Chine ; puis après la traversée de la Kunjerab Pass, ils enteront au Pakistan, puis atteindront l'Inde et continueront vers Haridwar, but de leur périple.

dimanche 24 juillet 2016

Une "invitation" au commissariat de Körfes

Hier matin, Istanbul s'éloigne ; nous sommes sur le ferry qui nous amène en Asie. Par un jeu de bateaux divers et de petits bus, nous réduisons la traversée fastidieuse de cette megalopole de 20 millions d'habitants.


Aussitot touchés terre, nous attaquons la longue ascension qui nous conduit à Gebze. Un charmant petit restaurant tout de bleu peint, sis au milieu de cages d'oiseaux nous procure un repas bienvenu. Simple, délicieux et servi avec le sourire de la cuisinière. Deux oiseaux multicolores font les clowns pour nous. Gâteaux, thés, eau nous sont offerts comme très souvent dans ce pays à l'hospitalité généreuse.



Le lendemain, départ à l'aube pour traverser durant des heures une immense zone industrielle ; usines, garages, cimenteries, plateformes logistiques le tout agrémenté de féroces Kangals qui sont des chiens magnifiques (surtout de loin et derrière les portails !). Ce n'est pas sans un certain soulagement que nous sortons de ce paysage de ferraille et de béton pour suivre la grande route d'Ankara. 3 files de camions et de voitures lancées comme des fusées. Bruyants, très, très bruyants et une onde de choc à chaque camion qui nous double.



Soudain, surprise, au milieu d'une côte, une voiture de police garée sur le bas côté. Il ne fait aucun doute qu'ils sont là pour nous ... Certes, il ne doit pas y avoir beaucoup de sexagénaires français portant sac à dos dans ce district ... L'affaire est louche. On le comprend.
 Trois policiers nous demandent aimablement dans un turc parfait ce que nous faisons là. Le dialogue s'annonce difficile. Ils fouillent rapidement le sac de Mathieu et mettent la main sur un lot de capsules  de ginseng. De plus en plus louche. Sacs embarqués dans le coffre, passeports confisqués, les deux suspects sur la banquette arrière. Les deux pieds nickelés n'en menaient pas large ayant appris le matin même qu'en Turquie la garde à vue venait de passer de 4 à 30 jours. Départ pour le commissariat. Durant le trajet, nous évoluons vers des relations presque sympathiques avec nos "invitants". Sourires un peu crispés de notre part mais une grande avancée lorsque nous leur écrivons le mot ginseng sur notre smartphone ... Aussitot, ils dégainent leurs téléphones et lancent des recherches sur internet. Le verdict tombe. On entend le mot "énergie", notre affaire semble progresser dans le bon sens. Arrivés au commissariat, un comité d'accueil plus que conséquent nous attendait. On nous fait poliment entrer dans le plus grand bureau. C'est qu'il faut de la place pour traiter de cette affaire sérieuse. Toujours pas d'anglophones, juste des traducteurs automatiques (assez peu utiles, en fait) et un policier qui connaissait 3 mots de français (oui, bonjour, Paris). Fouille méthodique des sacs par 3 policiers pour le dangereux Matthieu et une seule policière pour Françoise. Pas d'autre découverte potentiellement aggravante si ce n'est l'opinel de Francoise dont à l'issue d'une discussion byzantine il est apparu que les 4 cm de la lame ne présentaient pas un caractère déterminant pour la suite de l'enquête. Enquête qui était alors entre les mains de la police scientifique dans un coin de la pièce. Un verre à thé faisait l'affaire ; le produit suspect a été prélevé d'une capsule et dissous dans ce qui nous a semblé être de l'eau. Là encore la conclusion n'a pas été immédiate ; la couleur jaunâtre du mélange venait-elle du produit précité ou du thé qui restait au fond du verre. Après quelques reniflements professionnels, la conclusion s'est imposée d'elle-même... Rien de suspect. Nous alors passés aux questions : adresse, nom, âge. Et ce plusieurs fois par différents acteurs aux registres divers, le gentil, le sérieux, le rigoureux, ... Le flux des questions a été rapidement écourté par manque de matière première. Enfin, la question des téléphones semblait réunir l'adhésion de l'ensemble des acteurs. Il y en avait deux, des téléphones. Un turc et un français. Dépeçage des objets, relevés sur un coin de feuille, qui doit être certainement classé dans les dossiers de l'enquête, des numéros,  ... Et pendant tout ce temps là c'était la fête. Un policier faisait des glissades virtuoses dans le couloir, un autre policier ouvrait sournoisement un placard pour se servir discrètement d'un gâteau préparé avec amour par sa jeune collègue. Et tout ce beau monde s'est mis à déguster ces douceurs et nous avons été naturellement conviés à partager ces agapes. Nous avons jetés l'éponge au bout du troisième gâteau.nous avons chaudement félicité la pâtissière et malheureusement omis de demander la recette. La prochaine fois, nous n'y manquerons pas. Définitivement blanchis, nous serrons la main de nos récents amis et demandons s'ils peuvent nous indiquer un hôtel. Concertation dans le groupe et c'est parti ! En voiture, Starsky et Hutch à l'avant, Raybans sur les yeux, revolver dans le dos, un policier en uniforme se joint à nous, crissement de pneux, voiture poussée au maximum, conduite virile (nous sommes un peu déçus par l'absence de gyrophares et de sirène hurlante ...) Arrivés à l'hôtel Kiraz (cerise) , nos protecteurs investissent les lieux sous l'œil placide du gérant. Chambre est prise, dernières poignées de main, libres.



Aujourd'hui dimanche, rien de particulier, si ce n'est une erreur de Monsieur Google qui nous a taxé de 8 km de trop sous le cagnard. Nous sommes à Izmit. Nous traınons dans les cafés.



M & F